Ci-dessous
la lettre que Clémentine FENSCH, infirmière à l’Hôpital Saint-LOUIS, a
adressée à Martin HIRSCH, Directeur général de l’AP-HP , dans laquelle
elle exprime ses sentiments, avec pour conclusion sa démission.
"...Monsieur
le Directeur, cette semaine j'ai perdu mon sourire, cette semaine j'ai
perdu l'espoir, cette semaine j'ai perdu mon énergie, et surtout j'ai
perdu ma foi en le service public.
Je
vous invite, vous et vos conseillers, à venir non pas un jour, mais une
semaine au moins, examiner notre quotidien hospitalier, avec sa charge
de travail, son lot de violence, d'exigences, de souffrances, de fins de
vies, de soins palliatifs.
Venez
à nos places tenter de réparer les vivants, passer vos journées debout à
courir sans avoir le temps de manger, ni même d'uriner, terminer vos
journées avec ce mal de dos, ces jambes lourdes et le cœur serré d'avoir
vu la décrépitude des corps. Venez croiser le regard des mourants,
trouver les mots justes pour essayer de les réconforter, eux et leurs
proches. Tout cela en exerçant de gestes techniques précis, en
anticipant des situations à risque vital, en exécutant toujours plus de
tâches administratives, en encadrant des élèves infirmiers, tout cela
avec toute notre énergie, notre bienveillance, avec nos sourires et sans
jamais nous plaindre.
Comment
osez-vous penser une seule seconde à raccourcir notre temps de travail
quotidien, et a supprimer des jours de congés, si précieux pour nous
ressourcer ?
N'avez-vous
donc jamais mis les pieds plus d'une heure ou deux dans un service
hospitalier. Nos jours de congés nous permettent de nous éloigner de
cette masse de souffrance, de prendre soin de nous et de nos proches.
Dois-je
vous rappeler que nous travaillons en général un week end sur deux,
voire plus ? Que nous ne comptons pas nos heures lorsqu'il faut rester
plus tard pour gérer une situation de crise ?
Nous
ne sommes pas des fonctionnaires comme les autres. Je n'effectue pas
des journées de sept heures trente, mais des journées de huit, voire de
neuf heures, tout cela pour soigner correctement.
Vous,
vous nous proposez le pire, et nous ne pouvons l'accepter.
Aujourd'hui, les services hospitaliers sont au mieux en surchauffe, au pire en crise.
On fait face à un nombre croissant de malades, à la découverte de nouveaux types de cancers, bref à une population de plus en plus vieillissante, et donc polypathologique et extrêmement fragile.
Aujourd'hui, les services hospitaliers sont au mieux en surchauffe, au pire en crise.
On fait face à un nombre croissant de malades, à la découverte de nouveaux types de cancers, bref à une population de plus en plus vieillissante, et donc polypathologique et extrêmement fragile.
Vous
voulez réaliser des économies sur notre dos : ce n'est ni éthique, ni
moral.
Nous prenons soin de vos grands-mères atteintes de Parkinson ou d'Alzheimer, de vos oncles atteints de leucémie, de vos enfants atteints de drépanocytose.
Nous prenons soin de vos grands-mères atteintes de Parkinson ou d'Alzheimer, de vos oncles atteints de leucémie, de vos enfants atteints de drépanocytose.
Nous sommes passablement usés, mais avec votre projet de réforme, nous sommes désabusés.
Il
y a quelques années la durée de vie d'une infirmière à l'hôpital était
de dix ans, aujourd'hui elle est de sept. Cela vous questionne-il ?
Vous
devriez gonfler le budget hospitalier et surtout nos salaires, nous, le
petit personnel, qui avons les mains dans la merdre, au sens propre
comme au sens figuré.
Vous
êtes en train de tuer le service public, tuer notre motivation et nos
convictions. J'ai 31 ans, je travaille depuis 5 ans entant qu'infirmière
pour le service public.
Après
3 années d'activité professionnelle dans un service de réanimation de
18 lits, que vous avez d'ailleurs eu l'occasion de visiter récemment,
j'ai fait un burn out.
Je
ne me suis jamais vraiment remise de la mort d'une patiente de 60 ans.
Nous l'avons faite sortir en urgence pour accueillir un autre patient
atteint d'une insuffisance rénale aigue qu'il fallait dialyser en
urgence. Je me revois installer cette patiente sur un brancard, lui
expliquer en deux mots qu'on la transférait dans un service plus léger.
J'ai vu dans ses yeux son inquiétude, et faute de temps, je n'ai pu
prendre ne serait-ce que deux minutes afin de la rassurer. Toujours plus
de patient et toujours moins de temps. Cette patiente est revenue
quarante minutes après sa sortie de notre service, intubée, ventilée
sous catécholamine Elle avait fait un arrêt cardiaque de stress. Elle
est décédée trois jours plus tard.
Et
si cette femme avait été votre mère ?
Que penser ?
Que ressentir ?
Que dire à ses deux enfants?
J'ai posé ma lettre de démission quelques jours après.
Que penser ?
Que ressentir ?
Que dire à ses deux enfants?
J'ai posé ma lettre de démission quelques jours après.
Je
vous donne une piste intéressante pour réaliser des économies: les
laboratoires pharmaceutiques, qui devraient être une industrie tournée
vers l'humain et non le profit.
Trouvez-vous
cela éthique et moral qu'ils facturent 41.000 euros trois mois de
traitement par Sofosbuvir, médicament soignant l'hépatite C ?
Ces
entreprises pharmaceutiques dépensent seulement 12% de leur fonds
propres en recherche et développement, le reste étant financé par des
fonds public. Commencez par vous servir dans l'argent que brassent ces
entreprises. Et puis remettons le principal intéressé au centre de nos
préoccupations : le patient.
La qualité des soins du service public passe d'abord par du temps, un bon accueil, une bonne évaluation clinique.
Vous
allez faire mourir nos compétences, puisqu'on sera contraint d'en faire
toujours plus avec moins de temps et c'est le patient qui va en pâtir.
Le patient c'est vous demain, l'un de vos proches, votre bien aimée, vos enfants..."
Le patient c'est vous demain, l'un de vos proches, votre bien aimée, vos enfants..."
( Clémentine FENSCH était l’invitée du “Magazine de la santé” le mardi 9 juin sur France 5.)
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