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mercredi 21 août 2013

A propos des circulaires et autres textes...


Nul n'est censé ignorer la loi, dit un vieil adage… mais, même les juristes les plus avertis, même les constitutionnalistes les plus sourcilleux sont incapables de savoir où en sont les textes  dans les méandres réglementaires, où bien souvent ils  ne sont plus appliqués le temps passant... ce qui est excessif peut apparaître très rapidement dérisoire.

Sous des appellations diverses - circulaires, directives, notes de service, instructions, etc. - les administrations communiquent avec leurs agents et les usagers pour exposer les principes d'une politique, fixer les règles de fonctionnement des services et commenter ou orienter l'application des lois et règlements.
Le terme « circulaire » est le plus souvent employé, la dénomination de ces documents qui suivent un régime juridique principalement déterminé par leur contenu n'a par elle-même aucune incidence juridique : une « circulaire » n'a ni plus ni moins de valeur qu'une « note de service ».

S’agissant des circulaires adressées aux services déconcentrés, une circulaire du Premier ministre en date du 25 février 2011 opère toutefois une distinction entre, d’une part, celles qui comportent l’exposé d’une politique, la définition d’orientations pour l’application des lois et des décrets ou la détermination des règles essentielles de fonctionnement d’un service public, qu’il convient de dénommer « instructions du Gouvernement », et, d’autre part, celles qui présentent un caractère plus technique.  Il convient en outre de rappeler que la « directive » administrative – à ne confondre ni avec les directives de l’Union européenne, ni avec les directives mentionnées au code de l'urbanisme – est soumise à un régime juridique particulier et que le terme « instruction » est souvent employé par l'administration fiscale pour fixer une doctrine qui peut juridiquement s'imposer dans des conditions fixées par le livre des procédures fiscales.

Il doit être fait un usage mesuré des circulaires, sous peine de manquer l’objectif d’en faire un outil utile de travail pour les services destinataires et un document d'information pour les usagers. 
Leur multiplication et l'incertitude qui résulte de leur superposition compliquent l'action administrative plus qu'elles n'en améliorent l'efficacité.


Les circulaires doivent répondre à l’ensemble des règles de forme et de fond préalablement exposées, qui conditionnent leur utilité et leur régularité.

 Ce qu'il faut prendre en considération:

1. Une circulaire n'est jamais une condition nécessaire à l'entrée en vigueur d'une loi ou d'un décret. 
L'administration n'est d'ailleurs jamais tenue de prendre une circulaire (CE, 8 décembre 2000 Syndicat Sud PTT, n° 209287 : irrecevabilité du recours dirigé contre le refus de prendre une circulaire). Il convient donc de se garder d'utiliser toute formule posant explicitement ou implicitement une telle condition. Plus généralement, une circulaire n'est en principe destinée qu'à exposer l'état du droit résultant de la loi ou du règlement qui justifie son intervention en vue d'assurer sur l'ensemble du territoire une application aussi uniforme que possible du droit positif. 
Dans cette mesure, elle ne saurait évidemment ajouter à cet état du droit soit en édictant de nouvelles normes, soit en en donnant une interprétation erronée. Par voie de conséquence, il faut éviter de confondre la circulaire avec le texte – loi ou décret – qu'elle présente en laissant entendre que telle décision sera prise en application de celle-ci et non de celui-là.



Une circulaire peut être déférée au juge administratif, y compris lorsqu'elle se borne à interpréter la législation ou la réglementation, dès lors que les dispositions qu'elle comporte présentent un caractère impératif (CE, Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618), ce qui est le plus fréquemment le cas. Le juge censure alors – c'est le motif le plus fréquent de censure – celles de ces dispositions que le ministre n'était pas compétent pour prendre, non seulement lorsque la circulaire comprend des instructions contraires au droit en vigueur, mais aussi lorsqu’elle ajoute des règles nouvelles. Il est utile de rappeler en effet que les ministres ne disposent pas du pouvoir réglementaire, qui appartient au Premier ministre et, par exception au Président de la République (voir articles 13 et 21 de la Constitution). Ils ne peuvent prendre de texte à caractère réglementaire qu'en application d'habilitations législatives ou réglementaires expresses dans des domaines déterminés ou, en application de la jurisprudence Jamart (CE, Sect., 7 février 1936, n° 43321), dont le champ d'application est aujourd'hui très restreint, pour l'organisation de leurs services.



Mais les circulaires peuvent être annulées pour d'autres motifs que celui de l'incompétence de leur auteur, notamment lorsqu'elles reprennent des dispositions qui sont elles-mêmes contraires à des normes juridiques supérieures (par exemple, circulaire réitérant les dispositions d'un décret illégal, voir décision Duvignères précitée).



Une circulaire peut, en revanche, comporter des directives, c'est-à-dire des orientations au vu desquelles les décisions individuelles seront prises par les autorités qui en sont les destinataires en application de la loi ou du règlement (CE, Sect., 11 décembre 1970 Crédit foncier de France, n° 78880 ; 20 décembre 2000, Conseil des industries françaises de défense, n° 193498). Ces directives, qui ne se justifient que lorsque le texte dont il sera fait application laisse une marge d'appréciation telle à ces autorités que leur pouvoir de décision peut être orienté dans un sens déterminé, doivent alors être rédigées de manière à faire apparaître que l'auteur de la décision pourra y déroger pour des motifs tenant soit à la situation individuelle de l'usager ou du demandeur, soit à l'intérêt général.



2. D’une manière générale, dans le cas où le ministre – les ministres en cas de circulaire interministérielle - ne signe pas personnellement une circulaire, il doit être privilégier une signature au niveau administratif le plus élevé possible : secrétaire général du ministère, directeur d’administration centrale ou, à défaut et si ses attributions le justifient, sous-directeur ».
Le directeur du cabinet du ministre ne peut signer que dans les conditions prévues par le décret du 27 juillet 2005 (CE, 4 juin 2007, Ligue de l'enseignement et autres, n° 289792 ;.



Des règles propres à la signature des circulaires adressées aux services déconcentrées sont énoncées par une circulaire du Premier ministre en date du 25 février 2011. Les instructions à caractère politique sont signées par le ministre. Les autres doivent l’être par le secrétaire général ou, à défaut, par un directeur d’administration centrale.

Enfin les circulaires du Premier ministre sont soumises à sa signature et diffusées aux ministères par les soins du secrétariat général du Gouvernement.



3. La transmission d’une circulaire à ses destinataires, sa publicité et son accessibilité sont à organiser selon les règles suivantes :



    * l’article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public, impose de publier les circulaires, directives et instructions comportant une interprétation du droit positif ou une description de procédures administratives. L’article 29 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l’application de la loi précitée, prévoit que ces documents sont publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle. Ce mode de publication n'exclut pas, à titre exceptionnel, une publication au Journal officiel lorsque l'importance de la circulaire, appréciée par le secrétaire général du Gouvernement, le justifie ;

    * le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 impose à l’administration de mettre en ligne les circulaires sur le site du Premier ministre « circulaires.gouv.fr ». A défaut, l’administration ne peut se prévaloir à l’égard des administrés de la circulaire, qui n’est ainsi pas applicable. Le juge s’assure du respect de l’obligation de mise en ligne (CE, Sect., 16 avril 2010, M Pierre A., n° 279817). De même, par application des dispositions spéciales de l’article 2 du décret du 8 décembre 2008, il juge qu’une circulaire antérieure au 1er mai 2009 qui n’avait pas été reprise sur le site au 1er mai 2009 doit être regardée comme abrogée (CE, 23 février 2011, Association La CIMADE et autres, n° 334022). S’agissant des modalités de dépôt des circulaires sur le site,  les services pourront se reporter au portail de la qualité et de la simplification du droit, à la rubrique « accessibilité des circulaires ».

    * s’agissant des circulaires adressées aux services déconcentrés, la circulaire du Premier ministre du 25 février 2011 précitée prescrit une diffusion centralisée aux services déconcentrés à partir d’un point d’émission unique, placé sous le contrôle du secrétaire général du ministère. Les circulaires sont adressées aux préfets de région avec copie aux préfets de département et aux directeurs régionaux concernés. Lorsqu’elles mettent en œuvre des politiques publiques au niveau du département, elles sont adressées à tous les préfets avec copie aux directeurs départementaux concernés. Les circulaires relatives à l’organisation et au fonctionnement des directions départementales interministérielles sont diffusées par le secrétaire général du Gouvernement ou sous son couvert.



4. La rédaction et la présentation des circulaires doivent faire l'objet d'une attention particulière pour tenir compte de toutes les différentes exigences signifiées.

Des recommandations sont faites étant entendu qu'Il est souhaitable que :

 - les services destinataires soient associés selon des formes appropriées à leur élaboration ;

- l'ensemble des références permettant d'insérer la circulaire dans son environnement juridique soit précisément indiqué : texte(s) dont il est fait application et circulaires antérieures ou connexes traitant du sujet ;
- la ou les circulaires auxquelles celle-ci vient se substituer soient expressément abrogée(s) ; au demeurant, le juge administratif regarde comme caduques les instructions émises dans un domaine où les textes ont fait l'objet de modifications et où de nouvelles instructions ont été prises (CE, 6 mars 2002, Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et autres, n° 225980) ;
- dans le cas où une circulaire modifie le contenu de circulaires applicables, on privilégiera la solution consistant à abroger ces dernières et réécrire l’ensemble du dispositif plutôt que de laisser au lecteur la charge d’en assurer la combinaison. Cette méthode est l’occasion de vérifier l’actualité du contenu des circulaires applicables dans le domaine considéré. Elle est la seule permettant d’assurer l’intelligibilité de la circulaire.


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